samedi 29 novembre 2014

Un enseignant dévoué : l’instituteur d’Albert Camus

           On entend souvent dire que «l'enseignant qui choisit ce métier par vocation, par passion ou attraction,...est une espèce qui se fait de plus en plus rare." On pleure nostalgiquement, comme dit Isabelle Stal, "sur les vieux maîtres si dévoués qui avaient la vocation et exerçaient leur sacerdoce comme d’humbles artisans."
           Je n'accepterai donc pour définition au mot "vocation" que celle donnée par Stendhal : "La vocation, c'est avoir pour métier sa passion." On ne peut parler d'enseignants qui se dévouaient pour leur métier sans évoquer M. Bernard, de son vrai nom M. Germain, l’instituteur d'Albert Camus, dont l’auteur parle si admirablement dans son oeuvre posthume: "le premier homme ".
           Comment ne pas se référer à ce maître qui insiste, qui, dans les années 20, a fait tout pour convaincre les parents à laisser leurs enfants continuer leurs études secondaires ?            Camus se rappelle ce discours qui n'a jamais cessé de raisonner dans sa tête : "...L'école primaire est la meilleure des écoles. Mais elle ne vous mènera à rien. Le lycée vous ouvre toutes les portes. Et j'aime mieux que ce soit des garçons pauvres comme vous qui entrent par ces portes. Mais pour ça, j'ai besoin de l'autorisation de vos parents. Trottez."
           Et le brave maître réussit à convaincre la grand'mère d'Albert et Albert fut admis et le maître de lui dire : "Bravo moustique, tu es reçu."            Où trouver des enseignants de la trempe de M. Bernard, qui, une fois sa mission accomplie, ne se désiste pas; il dit à Albert, en lui caressant la tête : "tu n'as plus besoin de moi, tu auras des maîtres plus savants. Mais tu sais où je suis, viens me voir si tu as besoin que je t'aide."
           Alors, Camus résume tout en cette phrase : "la classe de M. Bernard était constamment intéressante pour la simple raison qu'il aimait passionnément son métier."

           Et quand Albert camus reçut le Prix Nobel de littérature, il envoya à son instituteur, le 19 novembre 1957, cette mémorable lettre de reconnaissance :
           "Cher Monsieur Germain,
                      J’ai laissé s’éteindre un peu le bruit qui m’a entouré tous ces jours-ci avant de venir vous parler de tout mon cœur. On vient de me faire un bien trop grand honneur, que je n’ai ni recherché ni sollicité. Mais quand j’en ai appris la nouvelle, ma première pensée, après ma mère, a été pour vous. Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. Je ne me fais pas un monde de cette sorte d’honneur. Mais celui-là est du moins une occasion pour vous dire ce que vous avez été, et êtes toujours pour moi, et pour vous assurer que vos efforts, votre travail et le cœur généreux que vous y mettiez sont toujours vivants chez un de vos petits écoliers qui, malgré l’âge, n’a pas cessé d’être votre reconnaissant élève. Je vous embrasse de toutes mes forces.

           Y a-t-il meilleure récompense pour le dévouement que la reconnaissance ?

Mohammed Marouazi
Méditations vespérales – Éditions Edilivre - 2012



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